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Un bracelet pour l’invisible

  • Photo du rédacteur: Nathalie Richer - Luna Nath
    Nathalie Richer - Luna Nath
  • 14 oct.
  • 3 min de lecture
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Aujourd’hui, une cliente m’a passé une commande particulière : un bracelet pour soutenir une amie qui vient de vivre une fausse couche. Elle voulait honorer son chagrin, l’accompagner dans sa fertilité, lui offrir un symbole de présence et de douceur. Cette demande m’a profondément touchée. Moi aussi, j’ai traversé cette épreuve, il y a quelques années.


Je me souviens de tout, comme si c’était hier. La joie inattendue d’entendre battre le cœur de mon futur bébé. La surprise, l’émotion, le vertige. Et puis, un mois plus tard, les saignements. La première visite aux urgences. On n’entend plus le cœur, mais on me dit que tout va bien. Pourtant, au fond de moi, je sens que quelque chose ne va pas.


Je retourne aux urgences, dans un autre centre. Le verdict tombe : le cœur ne bat plus. Il va falloir l’expulser. Quand le médecin m’explique la procédure, sa voix devient lointaine, étouffée, comme dans les films. Je ne comprends plus rien. Je repars avec une ordonnance. Un médicament à prendre. Un examen à refaire pour s’assurer qu’il est bien parti.


Je rentre chez moi. Je décide de ne pas suivre le protocole. Je prends de l’aspirine. Je lui parle : "Je prends ça pour t’aider à quitter mon corps." Puis je vais aux toilettes. Je sens la poche tomber. C’est chaud, c’est gros. Je sais qu’il est sorti. Je ne peux pas tirer la chasse. Je récupère la poche et la dépose dans un pot de terre. Je ne peux pas me séparer de lui comme ça. J’ai besoin de réfléchir.


J’appelle un ami hypnothérapeute. Il m’aide à faire le voyage intérieur, celui qui me permet de lui dire au revoir. Je mets mes chaussures de randonnée. Je pars avec mon petit pot de terre. Après une longue marche, je choisis un arbre. Je dépose la poche. Je lui dis au revoir.

Je sais que pour certains, ma démarche peut sembler étrange. Mais cette séance, ce rituel, m’ont profondément aidée. Le chagrin était immense. La chute hormonale n’aidait pas. Je ne pouvais retenir mes larmes quand on me demandait si ça allait.


C’est alors que j’ai découvert que je n’étais pas seule. Les fausses couches concernent tant de femmes. Certaines m’ont raconté leur histoire. La perte d’un début de grossesse, parfois plusieurs. Même après des années, tout semble si frais. Apprendre qu’on est enceinte, c’est déjà se projeter en tant que mère. Dire que ce n’est "qu’un fœtus" ne change rien.


Et puis il y a celles qui ont dû interrompre leur grossesse pour des raisons qui leur appartiennent, mais qui portent le poids de ce choix. Il y a comme un non-dit, une étape douloureuse, un silence à porter.


Et pourtant, ce chagrin m’a transformée. Je me souviens d’un ami qui m’a dit : "Tu n’as rien perdu, Nathalie. C’est de l’énergie." Et j’ai compris que cette énergie était venue compléter quelque chose en moi. Elle a nourri une part manquante.


Après son passage, j’ai changé. Moi qui étais un vrai chamallow, toujours responsable de tout, culpabilisant à outrance… Quelque chose est devenu plus solide, mais dans le bon sens du terme. Sa venue, même brève, était un cadeau. Il m’a offert un morceau de moi, oublié jusqu’ici.


Bien sûr, j’ai cherché un responsable. Le vaccin du Covid me semblait être la cause. Mais c’est le cerveau qui cherche des raisons à tout. Il n’y avait rien à savoir. Juste à vivre. À intégrer ce qu’il m’a laissé : un bout de moi, retrouvé.


Je comprends. Je vous accompagne. 

Ce vécu, si intime et pourtant si partagé, mérite d’être nommé, honoré, traversé. Il me semble essentiel d’en parler, de ne pas laisser ce chagrin dans les silences. Créer un rituel, même simple, c’est offrir un espace à l’invisible. C’est permettre au corps, au cœur, à l’âme de se relier, de déposer, de transformer. Les rituels ne changent pas les événements, mais ils changent notre manière de les porter. Ils donnent forme à l’indicible, ils relient ce qui semble brisé, ils ouvrent une voie vers la paix intérieure.

Si vous traversez cette épreuve, ou si vous souhaitez accompagner quelqu’un qui la vit, sachez que vous n’êtes pas seul·e. Je suis là, avec mes mots, mes mains, mes pierres, mes créations. Pour écouter, pour créer ensemble un symbole, un passage, un hommage. Parce que chaque histoire mérite d’être honorée. Et que dans chaque départ, il peut y avoir une graine de renaissance.

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